L'histoire des couleurs

Publié le par Ombre du clair de lune

 

Gris sans couleur

C’était il y a longtemps, peut-être plus. L’époque importait peu. Je m’étais réveillé, pourtant, j’étais déjà mort. Une mort sans douleur, sans regret.
Ma vie a commencé à partir de celle-ci, à partir de cette mort.  Avant, je ne vivais pas. Avant, je n’ai jamais vécu. Pas d’identité. Pas d’âge. Pas d’existence. À mes yeux, à leurs yeux. Eux, les hommes, les femmes. Ceux de l’autre côté. Derrière cette frontière, invisible, inexistante, pouvant toucher, voir, parler, sentir.
Le temps passait, défilait, encore et encore, une boucle infinie. Prisonnier d’une boucle de temps, prisonnier du gris. Je ne regardais plus, ne parlais plus, n’entendais plus.

 

L’homme voyait le temps comme une vie, ils ne vivaient que pour ce temps. Un temps pour l’enfance, la jeunesse, l’âge adulte, la mort, la vie.
La vie c’était l’ensemble de tout ça. Le temps, c’était un début et une fin. Le tout était couleurs.


Le temps ne m’était plus. Il n’a jamais débuté, ne s’est jamais fini. J’errais ici et là sans mourir, sans vivre, piégé dans le gris. Ni noir, ni blanc. Juste gris.
Je me suis mis à chercher. Se chercher dans le gris pour marcher, au hasard, dans l’indifférence. À un moment, je me suis arrêté. J’avais trouvé. Ce n’était pas ce que je cherchais.  Je n’en avais pas conscience. Mais parler de conscience c’est parler d’existence. Alors, je m’étais sans doute trouvé.
Des barrières grises, glacées, nous séparaient.  Côté vivant, côté de ceux qui ne devaient vivre. Elle vivait plus que moi. Elle, la fille derrière les barrières grises, l’humaine inhumaine selon la loi des hommes. Toi. Une criminelle. Ton crime était ton existence. Tu n’étais qu’erreur. Tu ne méritais que rejet. Ce qu’ils souhaitaient c’était ce que le monde avait, ce que tu n’avais pas.
Voir. Juste voir. Voir ce que le monde voyait.
Tu n’étais que fragment d’humain. Tu n’étais qu’aveugle.

 

Ces hommes avaient peur. De la différence, de ce qu’ils ne connaissaient pas, de ce qu’ils ne pouvaient contrôler. Pour excuse, ils avaient la religion. Leur dieu a créé l’homme doté de vue, les autres n’étaient rien. Ce qu’ils pensaient, ce qu’ils voulaient penser. Une pensée lâche, facile, pour comprendre l’incompréhensible.
La divinité pouvait tout dire, tout faire. La divinité était l’humain qui a refusé la raison. Cette raison qui leurs empêchaient d’être idiot, de s’entretuer. La divinité n’était qu’un fou qui n’avait plus de raisons.


Tu as été l’une de ses victimes. Elle t’a enfermé dans le gris, elle t’a enfermé dans mon monde. Mais tu y étais seule.

La solitude était grise. On entendait, voyait, devenait cette solitude. Le monde devenait solitude. On ne voyait qu’elle.

Dans cette cellule se trouvait mon reflet. Mais nous étions différents. Tu connaissais les couleurs. Je voulais que tu m’apprennes, que nous franchissions cette solitude grise.
Je tendais vers toi, cette main glacé, cette main grise qui ne connaissait pas la chaleur des couleurs.

 

 

Bleu couleur flamme

Ta main, cette flamme, si faible, tant épuisée, me réchauffant. Tout différait lorsque nous étions dans le gris. Ta flamme puisait sa force dans ma glace. Une flamme bleue, courageuse, pleine d’espoir. Une flamme se nourrissant de la solitude du monde, de moi, du gris. Mon cœur battait, pour la première fois. Il criait, il vivait.

 

Bleu d’espoir, d’infini, de courage, d’innocence. Tous débutaient par le bleu, le bleu était début de tout. C’était un vide cherchant à se remplir. Ce n’était ni le mal, ni le bien. C’était le rêve, une quête impossible, d’attraper un ciel infini. C’était la naissance. La naissance d’une vie, la naissance des couleurs.


J’ai compris la peur des hommes. La peur de toi, ta flamme, tes yeux. Ces yeux capable de voir l’inexistant, l’indifférence, la solitude. Ils étaient faibles, tu étais forte. Faibles car ils avaient trop de tout et rien. Le tout de leurs plaisirs charnels qui ne comblaient rien. Forte car tu transformais un rien en tout. Le rien d’un gris en un tout bleu couleur flamme.


Pour eux, tout n’était que possession. S’ils ne pouvaient posséder, alors venait à eux la rage, la frustration, la violence. Posséder sans le vouloir, juste pour l’avoir. Avoir ramène à puissance. Puissance qui les rendait si faibles.


Cette force, cette puissance, je la désirais tant, celle de ta flamme, bleue, si vivante, pouvant fondre ma glace. J’ai serré ta main brulante. Je me nourrissais de toi, de cette vie débordante. Nous nous sommes enfuis, enfuis de la ville, enfuis des hommes, de leurs yeux pervers, trompeurs, qui ne montre que déformation du réel.


La vue était trompeuse, maline. Elle empêchait le port du sourire. Après la vue, venait la possession puis la déception. Elle empêchait de voir la véritable beauté des choses, la véritable couleur des couleurs.


Nous étions loin, tellement loin. Il faisait nuit, tu souriais, tu avais cette liberté, celle que tu désirais tant. J’aimais ton sourire. Il était grand, lumineux.
C’était la pleine lune. Enfin vivants, en dehors de ces barres grises. Nous étions au milieu du bleu.
Doux chant des étoiles. Brillantes lumière de la lune. Le ciel remplis de ténèbres dévoilaient tes plus belles beautés.


J’aimais la nuit. Elle était de silence bleu. Un silence qui me permettait de penser, de rêver, d’espérer. Dans le silence de la nuit, les étoiles chantaient. Les hommes ne les entendaient pas, ils parlaient trop et n’écoutaient pas. Ils se contentaient de voir.
La vue n’existait que pour être vu. C’est pour cela que je te voyais, c’est pour cela que tu me voyais.


La première couleur que tu m’as apprise, la couleur que tu as émise, qui grandissait en toi, en moi, en nous. Je voyais le bleu comme je te voyais. C’était le bleu et pas autre chose. Les couleurs apparaissent ainsi, comme ça, sans crier garde et elles nous racontaient leurs rôles.

 

 

Rouge couleur Rose

Nos pas guidés par nos sourires, ta lumière, ta chaleur. Tout semblait si beau, si vivant. Un rêve, mon premier rêve, un rêve éveillé au milieu de la vie, des étoiles, la lune, de toi. J’entendais tes battements à travers nos mains.
J’étais au stade le plus puissant de la vie. J’étais au cœur du rouge, au rouge d’un cœur.


Le bleu se remplissait de rouge. Le rouge d’une jeunesse éternelle, une jeunesse perdue, une jeunesse douloureuse, une jeunesse mystérieuse. Une jeunesse rouge.


Cette fleur près de nous, une rose, une rose rouge. Rouge sang, passionnément rouge. Un rouge tentant, absorbant, envoutant. Cette tentation qu’on ne peut s’en détacher. La toucher, la sentir. Je l’ai prise, ses épines arrachant mes doigts, la douleur montait, je la gardais en main, cette rose, je la serrais. Cette douleur me disait que je vivais. Je souriais. Un sourire rouge. Passionnément douloureuse.


Rouge couleur rose. Elle t’attendait, t’envoutait, t’attirait. Son parfum, son odeur, sa douceur, sa forme. Le rouge était tentation, l’envoutement d’une rose. Le rouge était rose.
Il fallait souffrir pour se dire vivant. C’était ça le rouge, la jeunesse interdite, le plaisir d’absorber les douleurs. Ces douleurs qui créaient les souvenirs, les plus beaux des souvenirs.


La rose dans ma main, le sang, mon sang, se mélangeant aux pétales. Je t’ai fait sentir le doux parfum dangereux de la vie. Tu l’aimais, tu m’aimais, tu souriais, comme toujours. Toujours ce même sourire si différent à chaque fois. Je cherchais ton regard, ta reconnaissance, ton désir de me vouloir. Un regard invisible et inexistant comme je l’étais. Le seul me faisant exister.


Le rouge criait, provoquait. Le monde ne devait avoir de regard que pour lui. Il voulait changer ce monde, il voulait tout changer. Avant c’était trop tôt, après ça sera trop tard. Seul le rouge pouvait le faire. Regardes-moi, aimes-moi, encore et toujours, ne détourne jamais ton regard, de moi, du rouge.


Nous sourions rouge. Des sourires qui n’étaient qu’insouciance et passion. Mon premier était bleu, mon second était rouge. J’étais en quête de couleurs, toujours et encore plus.
Un puissant souffle a surgit, arrachant un par un les douces pétales sanglantes du rouge. S’envolant dans les airs pour retomber doucement, délicatement, paisiblement sur le sol infini.

Cette couleur avait surgit ainsi, sans crier garde, nous racontant son rôle. Un rôle qui n’est que plaisir douloureux. Un rôle qui n’est que souffrance vivante. Le rôle d’un rouge couleur d’une rose.

 

 

Vert couleur sol

Sur ce sol, vaste et immense sol, se trouvant cette douceur sanglante d’une vie. Je ne tenais que la tige épineuse. Cette tige qui autrefois était une rose. Cette tige qui n’est devenue qu’une tige. Je l’ai lâché pour qu’elle ne devienne que décors.
Allongé sur l’herbe froide. Je t’invitais à en faire de même. Doux parfum du sol sans odeur. C’était l’agréable parfum de la nature. J’inspirais, j’inspirais le pouvoir de la terre. Je soufflais, soufflais le vent de la nature verte couleur sol.


Nous étions si bien, juste nous deux, à respirer ce magnifique parfum.
Promet moi de rester à jamais à mes côtés. Promet moi de ne plus retourner avec les autres. Je ne veux plus être seul. Je ne veux plus retourner dans ce monde gris. 


Tu m’avais répondu par un sourire. Toujours ce sourire qui diffère à chaque évènement. Celui-ci était apaisant, doux, confiant. Il était vert. Il était mélange de bleu et rouge. Ce vert d’une flamme bleue ajoutant les pétales rouges. Son parfum, son chant, sa texture, sa force, l’ensemble de tout faisait le vert. Je devenais cet ensemble, ce mélange. Allongé à tes côtés, sous ce ciel nocturne, je souriais.


Vert couleur terre, vert comme sol. Le bleu était le vide, le vert était le plein. Il était fin, repos, souvenir. Il n’avait plus rien à apprendre, il ne pouvait qu’enseigner. Le vert était de couleur sol. Il voyait, entendait et se souvenait. Il se souvenait des moments bleus, ce ciel bleu si loin au-dessus.


Cependant, après ce mélange de tout, il n’y avait rien. Un rien annonciateur de fin. Sans fin, il n’y avait pas de début. Elle était proche, tout proche. Elle n’avait rien de mauvais, au contraire, mais j’avais peur, j’avais peur parce que j’étais tout simplement vivant.


Le vert était beau, doux, sage. Mais triste. Enormément triste. Il s’approchait de toi, s’installait et te tendait la main. Une main qui te dirigeait dans cet inconnu. Obligés d’y passer, de saisir cette main. L’homme le faisait avec des larmes. Des larmes de fin.


Je désirais voir à travers tes yeux si mes sourires étaient aussi beaux, colorés, que les tiens. Me voir à travers ton regard. Je désirais tant à travers toi. J’avais des regrets. Mais ces regrets étaient une preuve de mon humanité. Ces désirs encore vides, ces souvenirs trop peu marquants, cette vie beaucoup trop courte. Tant de regrets, tant de vert au fond de moi.

Il y a tellement de choses que je désirais faire, découvrir, accomplir avec toi… Mais il est trop tard n’est-ce pas ?

Le vert commençait à faner, il changeait doucement de couleur. Et mes, tes, larmes de fin coulaient.

 

Noir couleur vérité.

Chaque larme de fin avait sa signification. Mes larmes étaient vérité. Une vérité évidente depuis le début, retardé par mon bonheur. Retarder cette vérité qui ne devait jamais être dite. Cette vérité sur moi, sur toi, sur toute cette histoire.


Noir vérité qui ne devait jamais être dite, penser, vu. Les hommes avaient peur du noir car le noir cachait notre reflet. C’était l’ultime vérité sur soi.
Le bleu, le rouge, le vert, le tout faisait le noir. Lorsqu’on fermait les yeux, qu’on pensait, sur sois même, ce que nous étions, ce que nous ne serons jamais. Lorsque l’ultime vérité était dite, on en meurt.


Le vrai de ma vie n’était rien. Je ne pouvais être vu, entendu car je n’étais pas. Je n’étais que ton cœur, ton rêve, ton espoir. Le mélange d’imagination et solitude. Un mélange de tout et de rien. Les couleurs que tu n’as jamais vues.

Mes larmes coulaient. Pas sur mes joues, sur les tiennes. Ma vérité était ta vérité. Je ne t’ai jamais sauvé. Je n’étais qu’imagination et je prenais fin. Cette fois-ci, ce que je voyais était ce que tu voyais, ce que j’entendais était ce que tu entendais.

La suppression de l’erreur pour la perfection de ce monde.


Un sourire qui est resté à tout jamais permanant sur ton visage. À la fois bleu, rouge, vert et noir. Ce dernier, avait ce gout de vérité, ce gout salé de la fin.

 

Blanc couleur nouveau.

 

 

Publié dans Poemes

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